lundi 9 septembre 2013

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« Wovon man nicht sprechen kann, darüber muß man schweigen.»  L. Wittgenstein. Tractatus L-P, 7.

« What we re-/ quire is / silence ; but what silence requires / is / that I go on talking »
J. Cage, Lecture on silence.




Quel bruit produit le claquement d'une seule main ?


(Fenêtres ouvertes, la rumeur de la ville est silence.)




Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

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Garder le silence, c'est aussi en prendre soin.
Ne rien forcer.
Surtout, ne rien faire.
(Ou plutôt : respirer).


Contemplation - l'eau remplissant patiemment l'arrosoir depuis la cuve
(
τα πάντα ῥεῖ)
Regarder pousser les plantes.
L'improductivité peut être fructueuse.


























vendredi 23 août 2013

Prismisme

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vendredi 13 juillet 2012

Post-scriptum à « ovni archéologie »


(description) 
    
Posé dans l'herbe, à proximité d'habitations humaines, un macro-objet attire notre attention par ses propriétés singulières, notamment par sa forme surprenante (incongrue en ce lieu) : celle d'un exosquelette d'oursin, dépourvu de ses épines, comme partiellement enraciné dans le sol, qui ne laisserait apparaître de son enveloppe que sa face aborale (sa face supérieure, percée en son sommet par l'équivalent d'un anus ; inversion déconcertante par rapport à notre anatomie – la « bouche » des échinidés étant quant à elle tournée vers le bas, en contact avec le substratum sous-marin). Dilaté à l'extrême, à la limite du collapsus, l'objet en présence a quelque chose de monstrueux en raison de sa taille (la partie émergée de la coquille présente déjà à elle seule des dimensions importantes, colossales pour un organisme vivant et a fortiori pour un invertébré). Sa forme régulière, symétrique, est en revanche parfaite en son genre. Sa texture lisse, d'une blancheur synthétique (quoique recouverte par endroits d'une fine couche grise, biofilm, mousses ou poussières signalant le caractère polluant des activités humaines à proximité du site), n'évoque pas le test abandonné (chitineux ou composite) d'un oursin, ni la lourde présence minérale d'un fossile, mais confère davantage à cet hémisphère (légèrement aplati) une élégance rétro-futuriste, accentuée par la répartition harmonieuse de hublots à sa surface. À la faveur d'une ouverture étroite, pratiquée sur le côté des panneaux de bois destinés à en interdire l'accès, nous profiterons (à plusieurs reprises) de l'opportunité de nous glisser à l'intérieur de cette carcasse immobile et silencieuse (en prenant garde toutefois à la couronne de fil de fer barbelé, qui entend bien nous dissuader de tenter cette intrusion). Passé le sas d'entrée, nous voici introduits au sein d'un volume, qui de façon abstraite (mathématiquement) serait généré par la révolution d'un arc de cercle autour d'un axe, dans un espace tridimensionnel. La pureté de la forme géométrique de la structure interne, simple revers concave de l'habitacle externe, isole une portion d'espace – espace dont nous faisons présentement l'expérience. La coupole suspendue au-dessus de nous est formée par l'assemblage de panneaux blancs, moulés dans une matière plastique, assujettis et supportés par trente-six arches métalliques apparentes, qui convergent non vers une clef de voûte, mais vers un oculus recouvert, laissant apercevoir l'hélice d'une turbine. Toutes les deux rangées, les sections radiaires sont percées de hublots transparents, au nombre de sept (7 X 36/2), dont la taille décroît à mesure qu'ils se rapprochent du sommet, prodiguant par là même une luminosité rassurante et laissant apparaître la végétation environnante (ainsi que quelques morceaux d'un ciel gris clair ; une voûte sous une voûte, en somme). L'habitacle nous protège de la pluie qui tombe sur sa surface externe. Le bruit de chaque gouttelette est amplifié par cette vaste caisse de résonance et se mêle aux autres, tandis que les sons émis depuis l'intérieur par nos propres pas se trouvent réverbérés. Une grande excavation rectangulaire de 25X10m, et de profondeur croissante (cf. les indications aux deux extrémités du bassin « 0,8m » et « 2m ») permet d'inférer avec un degré de certitude satisfaisant la fonction originelle du bâtiment : il s'agit bien évidemment des vestiges de thermes contemporains. Les parois du bassin tout comme celles de l'habitacle sont recouvertes çà et là de graffiti (dessins et inscriptions, parfois obscènes) tracés maladroitement par d'autres visiteurs sorte d'art pariétal néo-primitif.
Les quatre bornes de béton surplombant le bassin, numérotées suivant une progression algébrique simple n+1 (de 1 à 4), ne serviront plus jamais de plongeoirs.





































Épilogue 

 

 

 
Retourné plusieurs fois sur le site depuis ces quelques explorations. Constaté la présence de grillages supplémentaires. Vu avec un certain regret l'arrivée des engins chargés d'opérer la démolition du bâtiment. Observé distraitement les ouvriers au travail, démontant les panneaux de polyester de la coupole. Découvert un jour de repos un tunnel dans la clôture végétale encerclant pour partie la piscine. Revenu sur place une dernière fois, plus d'une semaine après le début du chantier de démolition, pour constater la disparition de la coupole, à laquelle s'était substitué un enchevêtrement inextricable de poutrelles d'acier tordues, évoquant peut-être les débris du crash d'une soucoupe volante. De ce dôme, de trente-cinq mètres de diamètre pour six mètres de hauteur, il ne reste rien désormais. Seuls des fragments de la dalle de béton sur laquelle il s'élevait subsistent. Le cratère du bassin n'est pas encore comblé. Un large anneau de béton indique toujours de façon précise l'emplacement depuis lequel s'élevait la structure hémisphérique.
Paradigmatique de l'architecture à l'ère de sa reproductibilité industrielle, cette construction appartenait à la série des piscines dites « Tournesol » (conçues pour pouvoir s'ouvrir par beau temps sur 120° grâce à un système d'arches coulissantes). Dessinées par l'architecte Bernard Schoeller, 183 d'entre elles (sur les 250 initialement prévues) seront réalisées (entre 1970 et 1981). Cette occurrence s'insérait aux abords d'un lotissement constitué de maisons mitoyennes identiques, dont l'existence sérielle fait écho à celle de la piscine. Bon marché, de construction rapide – les éléments préfabriqués de la coupole n'avaient plus qu'à être assemblés sur place – ces édifices présentent en contrepartie une tendance à se dégrader de façon tout aussi rapide, faute de politique de conservation adaptée. L'exemplaire en question aura eu une durée de vie d'à peine 37 ans. Son lent processus de délabrement, encouragé par le manque d'entretien et les dégradations volontaires, s'est trouvé brutalement accéléré par l'arrivée des pelleteuses. Ces ruines prématurées d'une modernité périmée, réduites à l'état de gravats (aussitôt évacués), laissent peu à peu la place à un terrain vague boueux, virginisé, décapé de son histoire, que la végétation sauvage viendra (en attendant un nouvel usage) progressivement recouvrir.




jeudi 17 mai 2012

ovni archéologie

(incursion temporaire dans un lieu disparu)








Architecture tératologique



(texte labyrinthique sur un projet différé)

Admettons qu’une certaine tératologie soit susceptible de prendre en charge, au moyen d’un discours rationnel s'efforçant de se rendre adéquat à son objet, non plus tant le vivant monstrueux que le milieu propre à ce dernier. Borges suggérait déjà en plusieurs endroits1 cette convenance – et justification mutuelle – du Minotaure et du labyrinthe, de l’habitant monstrueux et d'un lieu non moins monstrueux, en ceci qu’il s’agissait d’une habitation destinée essentiellement à ce que celui qui y demeure ne puisse aucunement s’en extraire2. Fruit de l’union contre nature du fabuleux taureau blanc envoyé par Poséidon, que Minos devait sacrifier en échange du trône de Crète, et de Pasiphaé (aidée en cela par Dédale, « L'Astucieux », qui conçut la vache de bois creuse dans laquelle l'épouse de Minos devait être fécondée), Astérion, dit le Minotaure, incarnait cette transgression majeure, en juxtaposant de façon scandaleuse humanité et animalité en un même organisme. Aussi fallait-il occulter par occlusion cette insulte à la normalité, et lui bâtir une prison, conformément aux recommandations de l'oracle de Delphes : ainsi, par cette absorption excluante, la monstruosité devait se trouver endiguée, et l’intégrité du monde, dans son fonctionnement non-pathologique, sauvegardée. Un subterfuge (peut-être analogue au processus de refoulement par lequel notre psychisme enfouit ce qu'il n'ose admettre) devait prévenir toute contamination, tout épanchement par lequel se serait déversé dans l’univers ce qui par son existence inavouable en subvertissait les lois ; nul besoin de verrous, puisque les circonvolutions inlassables des galeries avaient pour fonction de prévenir toute évasion, quoique la possibilité de celle-ci devait rester (mais en droit seulement) ouverte : un orifice était en effet exigé pour alimenter le résident du lieu, tandis que le labyrinthe, au cours de cette manducation cruelle, devait entièrement digérer l’intégralité de ses hôtes offerts en sacrifices – ou du moins ne tolérer aucune excrétion (à l'image du schizophrène à l'anus cousu, expérimentation d'un corps-sans-organes). La rencontre entre deux aberrations de cet ordre (le Minotaure/le labyrinthe) n’a sans doute rien de fortuite, et cet ingénieux stratagème par lequel Dédale, l’inventeur légendaire, réparait en partie sa faute – au prix d’un terrible retour de la monstruosité sur elle-même – venait pourtant la redoubler, fournissant ainsi par anticipation une allégorie des errements de la technique moderne, en tant que science sans conscience qui engendre par les solutions mêmes qu'elle propose de nouveaux problèmes, devant à leur tours être résolus. Dès lors, si le Minotaure et le labyrinthe se justifient réciproquement, ils semblent en revanche devoir nécessairement produire à l’infini autant de labyrinthes de labyrinthes, destinés à les circonscrire – abîmes insondables au même titre que ces rêves qui se creusent en d’autres rêves, lorsque nous rêvons que nous rêvons. Car le labyrinthe entretient toujours déjà une relation à la multiplicité et à la répétition3, puisqu’il renferme le plus de déterminations possibles (chemins, replis sinueux, bifurcations, impasses…) dans un espace réduit – induisant ainsi claustrophobie, mais aussi vertige et sentiment de perte, évoquant par là même l'expérience humaine de l'angoisse et la déréliction de l'individu, devant faire usage de son libre-arbitre, face à la myriade de choix de son destin, disposés eux-mêmes sur un plateau. Borges (encore) indique dans l’une de ses nouvelles4 ce que serait un lieu monstrueux au plus au degré : si la vocation du labyrinthe est bien de « confondre les hommes », un dessein préside encore à sa réalisation ; en revanche une cité vide dont l’architecture apparaîtrait comme étant entièrement privée d’intention ne pourrait manquer de susciter un malaise effroyable. Œuvre du hasard et de la combinaison d'une pluralité d’éléments (murs, escaliers, places, colonnades, ruelles, etc.) enchevêtrés à la manière des atomes démocritéens dérivant aveuglément dans le vide infini, une telle ville serait au labyrinthe ce qu’une suite interminable et inintelligible de mots articulés les uns aux autres (alors que rien ne prescrirait a priori ces enchaînements) serait à un texte décrivant un objet inimaginable tel le chiliogone, cette figure à mille côtés, ou un solide possédant autant de faces. L’acte démiurgique (de dêmiourgos, « l’architecte », terme par lequel le discours du Timée de Platon désigne cet être divin qui donne naissance au monde, non par une création ex nihilo – idée étrangère au monde hellénique – mais par l’organisation de la chôra, c'est-à-dire par l’information d’une matière amorphe) trouve son reflet inversé dans cette parodie de cosmogonie, dont seul le chaos semble pouvoir advenir. La ville monstrueuse serait donc privée d’αρχη (archè), au sens de « principe », de « commandement », bien que ce caractère anarchique puisse paradoxalement résulter également de la multiplicité excessive d’architectes, dont les projets disparates se contrediraient ou manqueraient d’harmonie5. Construisons encore en notre esprit, si cela est possible, une ville dont tous les bâtiments seraient, depuis sa fondation, conservés dans la succession temporelle, en dépit de ces attributs essentiels de l'étendue que sont l’antitypie ou l’impénétrabilité : ville-palimpseste, dont les textes antérieurs, pourtant effacés, referaient surface, pour se confondre en un lacis inextricable6. Seule une ultime fiction pourrait alors surpasser ce qui a déjà de loin dépassé toutes les chimères communes : elle pourrait être forgée à partir d'une certaine lecture (erronée) de la Monadologie leibnizienne, selon laquelle la superposition des points de vue de différents observateurs sur une même ville (c’est-à-dire, dans cette métaphore, des âmes ou substances spirituelles – monades – sur le monde)7 consisterait en cette ville elle-même, là où en vérité, comme nous le pressentons avec horreur, nous n’aurions qu’une terrifiante et inconcevable     a    n    a    m    o    r    p    h    o    s    e .                                                                                                                                                                

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1 Le Livre des êtres imaginaires, p. 154 ; « Abenhacan el Bokhari » in L’aleph, pp. 165-166.
2 Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 1, 3.
3 « Un labyrinthe est dit multiple étymologiquement, parce qu’il a beaucoup de plis », Deleuze, Le Pli. Leibniz et le Baroque, p. 5.
4 « L’immortel », in L’aleph, p.23.
5 Descartes, Discours de la Méthode, II. Ce sont pourtant bien les « villes à la Descartes », érigées selon un projet rationnel et un tracé géométrique sur une tabula rasa, qui nous semblent au plus haut point monstrueuses et inhabitables.
6 Freud, Le Malaise dans la Culture, I : « Faisons maintenant l’hypothèse fantastique que Rome n’est pas un lieu d’habitations humaines, mais un être psychique, qui a un passé pareillement long et riche en substance et dans lequel donc rien de ce qui s’est une fois produit n’a disparu, dans lequel, à côté de la dernière phase de développement, subsistent encore également toutes les phases antérieures [...] ».
7 Leibniz, Discours de Métaphysique, §9 ; Principes logico-métaphysiques : « toutes les substances singulières créées sont des expressions différentes du même univers et de la même cause universelle, à savoir Dieu ; mais elles varient par la perfection de l’expression, comme des représentations ou scénographies différentes de la même ville vue de différents points ».

dimanche 29 avril 2012

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avec Catherine Schwartz

Auditorium du musée des Beaux-arts de Rouen
Dans le cadre du colloque international organisé par le laboratoire Edith de L'ESADHaR, École Supérieure d'Art et Design Le Havre / Rouen.
"Un atlas de la microédition : quelles routes pour quels enjeux ?"

22 mars 2012